Tuesday 15 April 2014

ESTOMAQUÉS – Poivré et semi-salé

Kep et Kampot sont des villes complémentaires. L’une fournie le crabe, l’autre le poivre (au Cambodge, le premier ne va pas sans le second). Situées le long d’un estuaire, elles profitent du passage de l’eau de mer salée à l’eau douce. À l’embouchure du fleuve, Kep est un lieu privilégié pour les crabes, et son petit marché est reconnu partout dans la région. De notre guesthouse, nous découvrons qu’il est possible de commander, une journée à l’avance, du crabe pêché le matin même, ce que nous nous empressons de le faire (la passion d’Annick pour les fruits de mer n’est pas un secret…). Ce crabe est servi avec une « sauce au poivre » qui n’est en fait que du poivre fraichement moulu baignant dans du jus de limette. Mais ce mélange est particulièrement satisfaisant à Kampot ; la qualité des petits citrons verts est répandue dans ce coin de la planète, et le poivre est réputé comme étant le meilleur au monde. Avant la chute de l’Indochine, tout restaurant français qui se respectait offrait du poivre de Kampot. Maintenant, cette denrée rare est exportée à 300 euros le kilo.

La petite taille des crabes qu’on nous sert nous surprend.  Un kilo de crabe = 10 petites bêtes à manger. Ou plutôt à décortiquer. C’est trois heures plus tard que nous sortons de table. Qui aurait cru qu’on se tannerait de manger du crabe ? Oui, ces derniers étaient délicieux, bouillis dans la Beerlao (on vous l’avait dit que cette bière avait une réputation qui dépassait les frontières laotiennes !), mais les doigts nous piquent et c’est l’heure de se coucher. On quitte Kampot très tôt le lendemain matin, en direction de Sihanoukville, les poches pleines de poivre.





Monday 14 April 2014

SELON ANNICK – Un spa réparateur

La situation des femmes en Asie du Sud-Est est un sujet qui m'habite depuis le début de notre aventure. Dans chacun des pays visités, j'ai eu la chance de pouvoir discuter avec des femmes d’horizons différents. Je peux maintenant dire que leurs préoccupations se recoupent grandement. En Birmanie, on m'a parlé de modernité, d'ouverture, d'écoute et d'espoir. Au Laos, on a discuté du droit à la contraception, de la famille éclatée, du plaisir et de l'importance d'entrevoir un avenir meilleur. Au Vietnam, du travail trop lourd pour les femmes, des familles maintenant trop petites, d’une certaine stagnation sociale. Pendant les premiers jours de notre séjour au Cambodge, c'est la voix d'une enfant, soit celle de Lunh Hu qui m'a parlé. Cette femme, aujourd'hui âgée de 44 ans, a écrit le récit de sa famille, qui a vécu les affres des Khmers Rouges, dans D’abord ils ont tué mon père. C'est la seule voix féminine cambodgienne que j'ai jusqu'à maintenant entendue.
Lorsque nous arrivons à Kampot, petite ville au bord d’un estuaire qui est reconnue pour ses plantations de poivre, je m’informe rapidement sur le centre de yoga situé à quelques minutes en mobylette de notre guesthouse. Désireuse de renouer avec mon tapis, je suis emballée à l'idée de participer à un atelier. Mais mon intérêt est d'autant plus grand lorsque l'on m’indique que ce centre est tenu PAR des femmes POUR les femmes. En d'autres termes, les hommes y sont interdits. C'est que ce centre de "bien-être" est aussi un centre de transition pour des femmes aux passés troubles. Le Banteay Srey Women’s Spa est en fait un organisme qui propose une plateforme de réinsertion sociale pour ses employées. On leur apprend à donner des massages, à cuisiner, à faire un pédicure, un facial, etc. pour qu'un jour, lorsqu'elles seront en maîtrise des différentes techniques apprises et surtout, lorsqu'elles se sentiront assez fortes, assez reconstruites, elles pourront alors plier baguage et aller travailler ailleurs dans le pays. Elles auront alors la chance de recommencer à neuf, outillées d’un métier qui leur sera propre, un métier dont elles seront fières et que personne ne pourra leur enlever.

À mon arrivée au centre, on m'apprend vite que l’atelier de yoga n’a pas lieu puisque la professeure, une expat, est en vacances. La douceur et la gentillesse des femmes qui m'accueillent sont si grandes que j'ai vivement envie de rester au centre et d’échanger avec elles. Le temps d'aviser Benoît que les plans ont changé (il m'attendait respectueusement sur le trottoir, à l'extérieur du terrain du centre pour que je lui confirme si l’atelier de yoga avait bien lieu), je retourne dans la bâtisse principale et m’inscris pour des traitements beauté. Au diable mon pédicure et ma manucure reçus à Noël dans un luxueux spa de Siem Reap… Là, c’est une cause sociale que je soutiens, non?! Benoît a donc une heure et demie devant lui pour explorer les terres du coin en mobylette.
L’employée qui me donne mes traitements n’a à peine que 16 ans. La barrière linguistique nous empêche d’échanger en paroles. Mes nos regards disent tout. L’écart d’âge non plus n’a pas d’importance. Elle, je la sens déposée, concentrée par les techniques apprises et amusée par la blancheur de mes pieds. Moi, je n’ai envie d’être là que pour contribuer (ok, d’une façon vraiment sommaire et un peu superficielle, mais tout de même). Nos fous rires font du bien. Le mur du silence n’existe pas. Peut-être suis-je naïve mais je NOUS sens bien.
Ceux qui me connaissent savent que parfois mon imagination est un peu vagabonde. Mais cette fois-ci, même si je peux facilement deviner les passés de ces femmes qui m’entourent, je n’ai nulle envie de leur inventer de faux ou de vrais scénarios. La volonté de tourner la page de ces femmes est si forte, leur désir de se rebâtir est si grand, que même l’imagination se dissimule et se retient par respect. Leur force et leur détermination sont à l’image de tout le pays. À l’image des familles, de Lung Hu et de tous ces villages qui se rebâtissent et qui acceptent, malgré les guerres intestines assez récentes, de se tourner vers l’avenir. Ils ne sont pas leur passé. Ils sont maintenant. Ils veulent devenir demain.
Le Cambodge est l’Eldorado de plusieurs types de voyageurs. Certains y viennent malheureusement pour le laxisme du tourisme sexuel. Les « off the beaten track » s’arrachent les dernières plages intactes. Des entrepreneurs étrangers prennent leur pied dans ce far west commercial. Aussi, un grand nombre de travailleurs humanitaires initient des coopératives ou des organismes pour aider le pays à se relever. Si le Laos présentait une panoplie d’activités éco-touristiques, le Cambodge, lui, propose un tourisme de responsabilité sociale tel que je n’en ai jamais connu auparavant. Loin de moi l’intention de juger si ce positionnement touristique est viable ou si les répercussions dans les communautés sont réelles et optimales. Je n’ai pas l’expertise pour prendre position et formuler une analyse juste et valable. J’ai plutôt envie de vous partager l’expérience indélébile que ce genre de tourisme permet. J’ai fortement envie de souligner ces initiatives sporadiques qui permettent aux femmes de se rencontrer, d’échanger et de se respecter, sans nécessairement tout comprendre. Ce type de rencontre est si for, si prenant, qu’il nous permet de saisir à quel point, parfois, la parole sert à si peu de choses.
À la fin de mon bref passage, deux des employées ricanent en regardant, au bout de l’allée qui mène à l’entrée du centre, un homme qui lit assis en équilibre sur sa mobylette. Cet homme là, c'est le mien. Je le vois m'attendre paisiblement, respectueusement et je me sens si choyée. Je ne sais pas ce que les « Hommes » ont pu faire subir aux femmes qui m’entourent et qui sont le souffle de ce centre. Mais je réalise encore plus que jamais ce que "Mon homme" me donne chaque jour, aussi généreusement, aussi affectueusement. C’est donc la tête vide, le cœur remplit de respect et les ongles arrondis et roses que je vais le rejoindre.








Kampot: La cabane au Cambodge

Petit paradis pour les expatriés, Kampot est légèrement hors du circuit touristique Cambodgien. Scott, un voyageur australien aguerri, qui terminait un périple de trois ans autour du monde lorsque nous l’avons rencontré en Birmanie, nous avait décrit cette ville comme sa préférée de toute l’Asie du sud-est ; il y était resté un mois et demi. Kampot est reconnue pour deux choses : son poivre et son estuaire.  En fait, elle est également reconnue pour ses durians, mais ces fruits malodorants, qui ont leur propre monument au centre de la petite ville, n’ont pas figuré dans notre séjour là-bas. Nous y avons trouvé quelque chose d’autre ; une bonne vielle expérience de chalet québécois en plein Cambodge. Vieux fauteuils dans lesquels on s’écrase pour lire, kayaks cheaps en attente au bout du quai, feu de camp au pied de la galerie et montagnes verdoyantes à perte de vue. Même les vents frais, causés par un microclimat local, nous forcent à nous emmitoufler dans nos coton-ouatés en matinée et en fin de soirée. Les français qui tiennent le Greenhouse, le gîte où nous logeons, se moquent de notre obstination à profiter de la terrasse en tentant d’imiter notre accent. « On rrrreconné bien les Québéquoués, les habitants du grrrrand norrrrd ! »

Encore une fois, on a l’impression de vivre des vacances à même nos vacances. Mais il faut se rendre à l’évidence ; c’est devenu notre mode de vie quotidien. Scott nous avait également dit qu’au bout de trois mois de voyage, on ressentirait un second souffle, une aisance à s’adapter aux nouvelles situations, à réellement apprécier chaque détour, à se déposer tout en étant en mouvement. À Kampot, nous avons atteint cet état de grâce du voyageur.













 De loin le produit le plus drôle qu'on a vu lors du voyage





Dates de visite: 26 au 30 décembre 2013

Noël à Siem Reap

Pour la toute première fois de notre vie, on passe Noël loin "des nôtres". Si pour certains cette période de l'année est difficile et représente à chaque fois un passage obligé, de notre côté on ne se cache pas du fait que l'on a toujours aimé ces moments en famille et entre amis. Depuis deux ans, cette fête se veut plus difficile puisque l'absence de Louis-Éric s'y fait encore plus grandement ressentir. Faire changement et explorer de temples anciens nous semblent alors être une idée charmante.

Si, lors de notre passage au Vietnam, la venue de Noël se faisait sentir grâce à la grande quantité de décorations que les Chrétiens installent sur leur maison et que les magasins et grands hôtels arborent fièrement pour les touristes, cette fête se fait beaucoup moins ressentir à Siem Reap. Aucun symbole ou indice n'est perçu tout au long de notre visite des temples (qui a duré près de 12h!). Il est difficile de s'imaginer famille et amis s'affairant aux courses de dernière minute à Montréal et ce, peut-être même en pleine tempête de neige. Ici il fait chaud. Presque trop chaud! Et nous n'avons aucun cadeau à magasiner. Aucun repas à préparer...

En ville, le 24 au soir, l'on ressent une effervescence qui n'était pas palpable la veille à la même heure. Pub Street (la fameuse et l'unique) est décorée de gigantesques cadeaux et de parapluies jaunes (à savoir la signification de ces derniers dans l'esthétique cambodgienne de Noël!). Plusieurs touristes se promènent coiffés d'un chapeau rouge à pompon blanc et certains osent même l'habit complet. Nombreux sont les sourires échangés entre voyageurs. De notre côté, nous décidons de réveillonner à l'italienne et comme nous l'aurions fait à Montréal, nous nous gâtons avec des bulles! À la sortie du restaurant, la rue est une piste de danse. Nous nous joignons à la foule et nous dansons en plein air. La vedette de la soirée, le plus jeune Père Noël que nous ayons vu, un petit bout de chou de pas plus de deux ans, nous fait bien rigoler avec ses pas de danse à la "Gangnam Style". Ce hit planétaire joue à tue tête dans la rue. Des gens de tous les âges et de toutes les cultures suivent cette célèbre chorégraphie devenue momentanément quasi-universelle. Qui aurait un jour cru que Gangnam Style pourrait émouvoir Annick? Le décompte a lieu. Les gens sont heureux. La vie est belle. Joyeux Noël. On vous aime.

Le 25, nous passons une partie de la journée au musée, nous allons bruncher, nous nous baladons un peu. Bref, un Noël pas comme les autres. Lors de notre repas, nous voyons un couple gai parler à une jeune cambodgienne qui vend des chapeaux de Noël. Elle les convainc de lui en acheter 2. Elle est fière de s'être habillée en rouge pour l'occasion. Elle les fait rire. Quand ils leur disent qu'ils ne fêtent pas Noël elle semble ébahie. You don't celebrate Christmas?? Son attitude est irrévérencieuse, mais authentique à fond. On ressent qu'elle a une intelligence remarquable, mais aussi une joie de vivre contagieuse, malgré la pauvreté dans laquelle elle doit vivre. Les deux hommes, aux coiffures soignées, semblent d'autant plus heureux avec leurs bonnets de Noël; ils tentent de convaincre d'autres passants d'en acheter à la petite. Ils ont trouvé leur Cuong, et nous nous repensons à la nôtre. D'une certaine façon, nous recevons ce moment comme notre cadeau de Noël.










Dates de visite: 22 au 26 décembre 2013

SELON BENOÎT - L'ivresse des hauteurs

À Bagan, Annick avait été frappée de vertige lors de la première montée. La beauté de la place pouvait être ressentie au sol, mais c'était en haut d'un temple qu'on pouvait réellement apprécier l'étendue de ce lieu. Un peu vexée par cette frayeur incontrôlable, Annick s'était parée de courage pour les temples d'Angkor. Voici une preuve de son courage et de sa capacité à aller au-delà de ses propres limites:





LES MOTS NOUS MANQUENT - Les Temples d'Angkor



























Date de visite: 24 décembre 2013